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LA VIE DE RAV ISRAEL

Biographie de Rav Israel Ber Odesser et autres histoires concernant sa vie


Rabbi Israel Ber Odesser Comment Rabbi Israël Ber Odesser a découvert Rabbi Nah'man de Breslev et son enseignement, comment a-t-il rencontre son maître Rabbi Israël Kardouner.

Récit biographique transcrit à partir de conversations de Rabbi Israël Ber Odesser enregistrées au magnétophone, par quelques-uns de ses proches.

A - Sa découverte de la Hassidout Breslev

Comment j'ai découvert Rabbi Nah'man de Breslev et son enseignement (par Rabbi Israël Ber Odesser - le Baal Hapetek).

Il ne me sera possible d'évoquer ici, qu'une part infime de cette lumière sublime, la lumière de Rabbi Nah'man (bénie soit la mémoire du Tsadik), que j'ai pu voir resplendir sur un hassid de Breslev parmi les plus grands qui aient été: Rabbi Israël Kardouner. J'ai eu le mérite de bien le connaître, car je fus son élève, et c'est donc de mes propres yeux, que j'ai pu apprécier le niveau extraordinaire de son service divin et de sa foi

Puisse la volonté d'Hachem, faire que la lumière de Rabbi Nah'man ramène tous les habitants de la terre vers le bien, et que ce monde de ténèbres puisse retrouver sa vraie lumière, afin que s'accomplissent les paroles du prophète (l): "... autant le fond des mers est recouvert par les flots, autant la terre sera remplie de la connaissance de D..." Amen.

J'ai toute ma vie désire pouvoir raconter un jour comment s'est déroulée ma rencontre avec mon maître, mon Rav, mon pieux maître, Rav Israël Kardouner (bénie soit sa mémoire), grâce auquel j'ai pu me rapprocher de notre saint maître Rabbi Nah'man de Breslev (puisse son mérite nous protéger. Amen).

1 - Ichai"a (Isaïe) chapitre 11 verset 9.

J'ai été dote depuis ma plus tendre enfance, d'une âme désirant ardemment se rapprocher de D... Ma famille vivait à Tibériade depuis des générations. Mon père, mon grand-père, mes ancêtres étaient des hassidim de Karlin et je fus moi-même, au début, très attaché à cette hassidout. Mais j'eus a mener des combats difficiles, en ce qui concerne l"'Avodat Hachem" (le service de D...). C'est d' ailleurs le cas de tous ceux qui veulent se mettre à servir Hachem, mais tout particulièrement de ceux qui sont très exigeants envers eux-mêmes a ce sujet. Ils sont en proie a d'incessantes luttes intérieures, d'innombrables obstacles semblent se dresser devant eux. Ils connaissent des hauts et des bas, des périodes d'ascension spirituelle et des périodes de perte d'enthousiasme.

Il me fallait donc les armes adéquates - le témoignage de personnes ayant traverse les mêmes épreuves, ainsi que de grandes doses de réconfort et d'encouragements - afin de pouvoir vaincre dans ces guerres contre le mauvais penchant.

Pour trouver les remèdes qui puissent guérir mon âme, je n'eus pas honte d'aller consulter les plus grands maîtres de la hassidout, et les plus grands cabalistes qui vivaient a cette époque. J'étais constamment chez eux, me plaignant des tourments de mon âme. Car je craignais D..., mais je traversais un moment difficile, à cause de mon mauvais penchant, honte a moi devant mon créateur"(2) et je n'avais pas de répit. Je leur racontais tous mes problèmes, et ils ne savaient pas comment me guérir. Je ressentis bien parfois une certaine amélioration, mais pas de véritable guérison. Tout cela me permit de constater néanmoins, qu'Hachem ne lèse jamais personne. J'avais été capable d'aller jusqu'a révéler toutes les maladies de mon âme, j'eus pour récompense, finalement, de pouvoir découvrir Rabbi Nah'man de Breslev.

Ma première rencontre avec son enseignement eut lieu de la manière suivante: un jour, je trouvai près des poubelles de la Yeshiva, un livre très abîmé, n' ayant même plus de couverture. Comme il est interdit de laisser un livre saint dans un pareil état, je le ramassai, afin de le déposer dans la gueniza (3) de la Yeshiva. Ce faisant, je l'ouvris et y jetai un coup d'oeil. Etant donne la soif de mon âme, et mon ardent désir de trouver des livres capables de l'étancher, je poursuivis ma lecture et lus le livre en entier. Il s'intitulait "Hichtaprout hanefech" (épanchement de l'âme) et il portait bien son titre. J'avais l'habitude d'être continuellement plonge dans des livres, mais après avoir lu celui-ci, je ne pus m'empêcher de penser, sans doute est-ce Hachem qui m'a fait trouver ces pages, pour me permettre de guérir mon âme.

2 - Traite talmudique Berah'ot page 61 recto (61A). 3 - Gueniza: lieu ou l'on dépose les livres, tefilin, mezouzot hors d'usage.

Finalement, je ne déposai pas le livre dans la gueniza, mais le gardais pour moi Et je me mis à le méditer jour et nuit. Cela constitua un très grand remède pour mon âme.

Apres ma bar mitsva, je rentrai à la Yeshiva Rabbi Meir Baal Haness, qui se situe en dehors de la ville, un peu en hauteur. Et le livre trouve, continua d'emplir mon coeur d'enthousiasme. Il y était écrit que grâce a la priere, et particulièrement a "hitbodedout"(4), il est possible d'atteindre le bien suprême, autant sur le plan matériel que sur le plan spirituel, et que dans cette pratique réside le principal moyen de se rapprocher véritablement d'Hachem. Tout le livre était en fait constitue d'études se rapportant a "hitbodedout".

4 - Hitbodedout: c'est un des "enseignements clé" de Rabbi Nah'man. Faire hitbodedout consiste a réserver un moment chaque jour, de préférence la nuit, pour parler avec D... dans la langue que nous maîtrisons le mieux. Ceci, afin de pouvoir établir une authentique relation avec notre Créateur, et d'être en mesure de lui ouvrir complètement notre coeur ; le remercier pour tous ses bienfaits, ses miracles en notre faveur, et lui demander aide, conseils, protection, ainsi que la force et l'inspiration nécessaires pour mettre en pratique les enseignements des "vrais tsadikim". (Nous recommandons la lecture du livre "La porte du ciel" de Itshak Besançon, qui est un excellent livre consacre entièrement au sujet de l"'hitbodedout"). L'hitbodedout n'est pas seulement faite de prières spontanées, de confessions et de repentir. C'est un dialogue avec D... qui nous inspirera en retour des réponses adaptées à nos questions ou nos problèmes. Hitbodedout est un niveau de Rouah' Hakodech (prophétie), pratiquée des l'origine par nos Pères, Abraham, Itsaac et Yaakov et tous les Bergers d'Israël (voir comment Rabbi Israël Kardouner résout le problème de son départ de Meron, par la Hitbodedout (chap. IV, paragraphe B).

La Yeshiva se trouvait dans un lieu désertique, je prenais avec moi le livre "Hichtaprout hanefech" (épanchement de l'âme) et allais faire hitbodedout dans ces paysages de solitude.

Bien que je fusse au courant des diverses autres tendances existantes dans la hassidout, je n'avais jamais entendu parler de la hassidout Breslev. Néanmoins, étant donné mon désir de sauver mon âme, j'observais avec intégrité les recommandations se trouvant dans l' ouvrage, et je les méditais. Je m'occupais sans relâche de prières et d'hitbodedout. Et cela me fit littéralement renaître. La ou le reste avait été sans effet, de véritables prodiges et miracles s'accomplirent sur moi, par la seule vertu de la vérité et de la simplicité. Ma passion pour ce livre était telle, qu'il me paraissait toujours nouveau. Je le terminais, puis le recommençais du début. Je l'étudiais sans cesse. Et il me protégea de tout mal. Il me révéla une lumière tout a fait nouvelle. Bientôt, je sentis qu'un changement radical s'était opéré en moi. Cet ouvrage avait eu sur ma personne une influence extrêmement bénéfique. J'ignorais néanmoins toujours le nom de son auteur.

Mais voila qu'un jour, un certain hassid entra chez moi et lorsqu'il vit le livre entre mes mains, il me dit: - Quel est ce livre dans lequel tu es plonge ? N'est-ce pas un livre Breslev ? Je lui répondis:

- Si ce livre ne t'intéresse pas, ne le consulte pas. Pour ma part, je continuerai à le lire. C'est ainsi que pour la première fois, j'entendis qu'il existait une hassidout Breslev. Je me mis à serrer fortement le livre entre mes mains; mais lui me l'arracha avec rudesse.

De toute façon, je le connaissais à pressent par coeur, et non seulement je poursuivis mon hitbodedout mais encore, le fait d'avoir entendu prononcer le nom de "Breslev" me permit de demander a Hachem qu'il me prenne en pitié, qu'il me rapproche de Lui et qu'il me permette de me procurer les ouvrages de Rabbi Nah'man de Breslev. Je me dis, si cela a provoque une telle réaction, c'est sans doute le signe que la chose est très haute. Et mes prières furent bientôt entendues.

B - La rencontre avec son maître: Rabbi Israël Kardouner zal

La tombe de Rabbi Israel Karduner au vieux cimetiere de Tiberiade Rav Israël Kardouner était un hassid de Breslev et même s'il avait vécu au temps de Rabbi Nah'man, il eut été un "H'idouch gadol" (une "grande nouveauté").

Je ne peux raconter tout ce dont j'ai été témoin le concernant. Il semble que pour lui ce monde n'existait pas vraiment; pas plus que sa famille, sa femme ni ses enfants. Mais une dévotion comme la sienne, une prière comme la sienne, je n'en ai jamais retrouvées de semblables. Lorsqu'il se tenait en prière, tout semblait annule autour de lui. Il était une "grande nouveauté" et bien que les hassidims de Tibériade fussent des gens opposés à la hassidout Breslev, ils avaient néanmoins pour lui la plus haute estime, car chacun de ses gestes, constituait une sanctification du nom de D... La grâce divine planait sur son visage, tant étaient grandes sa sainteté, sa piete et sa droiture à l'égard de son Créateur et de tous les hommes. Il servait D... avec une ferveur et un enflammement extraordinaires. Tous ceux qui le voyaient, ne fut-ce qu'une seule fois, et même ceux aux oreilles desquels était parvenue sa réputation - peu importe qu'ils fussent les plus grands mitnadgim (5)- s'annulaient devant lui, et l'estimaient au plus haut point. Il vivait à Méron, et sa famille demeurait à Tsfat. Toutes les veilles de chabbat, il rentrait chez lui. A Méron, il était si l'on peut dire dans un niveau de "Olam Haba" (monde futur), car nul n'y habitait a part lui. Seules quelques rares personnes s'y rendaient, et cela uniquement la veille de Roch H'odech (début du mois). Lui était constamment sur le saint tombeau de Rabbi Chimon Bar Y oh' ai zal, et s'occupait sans relâche de prières et d'hitbodedout, selon le conseil de Rabbi Nah'man zal.

5 - Mitnagdim: opposants a la hassidout.

Il est vrai que je demandais sans cesse à D... qu'il m'envoie quelqu'un qui puisse m'aider a me rapprocher de la hassidout Breslev; mais je n'aurais jamais espère rencontrer un tel homme, et encore moins ose demander qu'on le fasse sortir de Méron, son lieu de dévotion, pour le faire venir à Tibériade.

Mais voici qu'à cette même époque, Rabbi Israël Kardouner se mit soudain a souffrir de rhumatismes, et ses douleurs devinrent bientôt si fortes, qu'il lui fut impossible d'aller prier et servir D... car i1 sentait qu'on lui découpait ses membres un à un. Il se demanda alors, si la volonté d'Hachem, ne serait pas qu'il se rende a Tibériade, peut-être n'aurait-il plus ces douleurs. Mais tant qu'il n'était pas certain, que telle était réellement la volonté d'Hachem, il ne voulait pas quitter Méron.

Il se disait qu'au contraire, il était préférable pour obtenir la guérison, de continuer à implorer D..., sur le saint tombeau de Rabbi Chimon Bar Yoh'ai. Il eut des doutes pendant longtemps, mais finalement, lorsque ses douleurs augmentèrent encore, il pensa: cela doit sûrement être la volonté d'Hachem, que je voyage pour Tibériade. Il eut ensuite l'illumination en lui-même, la chose lui fut clairement révélée. Aucun doute ne persistant alors, il partit sur le champ. Ainsi, Hachem occasionna tout cela, afin de permettre notre rencontre. En voici a pressent le récit. (6)

Mes parents étaient des gens extrêmement pauvres. Leur métier était de moudre le café et déjà ils gagnaient leur vie avec de très grandes difficultés; mais lorsque la première guerre mondiale éclata, il y eut grande pénurie de café, et ils furent alors, complètement privés de moyens de subsistance.

Le fils du frère de ma mère, orphelin de naissance, avait été recueilli dans notre maison, ou il fut élevé. Il s'appelait Haim Binyamin Barzel, et ma mère fut une véritable mère pour lui. Lorsqu' elle lui raconta que nous n'avions plus de quoi vivre, il lui conseilla de fabriquer du pain et de le vendre. Ma mère lui demanda: - Et où trouverai-je la farine ?

6 - Il est a noter que Rabbi Israël Kardouner Zal avait été l'élève de Rabbi Moshé Breslever Zal, l'un de plus proches disciples de Rabbi Nathan de Nemirov Zal, le plus grand disciple de Rabbi Nah'man.

Il alla chez le meunier, et demanda pour elle, de la farine qu'il prit a crédit. Et ainsi ma mère se mit à fabriquer du pain.

Cinq jours exactement après qu'elle eut commence ce travail, alors qu'il faisait déjà nuit, Rabbi Israël Kardouner rencontra mon cousin Binyamin; ce dernier le salua et Rabbi Israël lui rendit son salut, puis lui dit: - Fais une mitsva, je te prie, indique-moi ou je peux encore acheter du pain à cette heure-ci. Mon cousin Binyamin se réjouit d'avoir trouve un client, et il l'envoya chez nous.

Bien que notre famille comptât plusieurs enfants en bas age, il nous restait malgré tout ce soir la, une miche de pain (en cela aussi, je vis une manifestation de la Providence Divine). Lorsque Rabbi Israël Kardouner pénétra dans notre maison, j'eus en le voyant, le sentiment qu'il devait être l'un des trente six Tsadikim cachés (7). C'est ce que me confirmèrent d' ailleurs par la suite, à son sujet, de nombreux maîtres, parmi les plus éminents de la génération. Je fus immédiatement certain, que chez lui se trouvait le remède pour mon âme. Mais je ne savais pas comment m'y prendre pour lier conservation avec lui. Et l'un des trente six Justes cachés était bien capable, en provocant un "raccourcissement surnaturel de la distance", de disparaître des le lendemain, pour se retrouver a Jérusalem. Comment serais-je en mesure dans un tel cas, de lui dévoiler tout mon coeur? J'étais encore en train de réfléchir à tout cela, lorsque Rabbi Israël me tendit l'argent et me demanda s'il lui était possible de layer ses mains et de manger chez nous le pain acheté. Je sentis mon âme attirée vers lui comme par un aimant, et j'eus l'impression qu'il lisait dans mes pensées.

7 - Les 36 Tsadikim caches: le monde ne subsiste que parce que dans chaque génération, il existe au moins 36 piliers de la Foi, qui réalisent avec perfection la volonté divine.

Notre maison étant petite, lorsque la nuit arrivait, on déroulait sur le sol des nattes, sur lesquelles on couchait les enfants, et il n'y avait alors même pas une place pour s'asseoir. Aussi, lorsque je l'entendis demander la permission de layer ses mains et de manger la, je ne pus m'empêcher de penser, où donc? Et qui sait si mon père y consentirait, car a cette heure-ci, l'endroit ne se prêtait pas du tout a cela. Je partis questionner mon père, et il répondit: - Mais pourquoi pas? bien sur. Il reste justement un peu d'oignon, pour assaisonner son pain, donne-le lui donc. Sa réponse me surprit d' autant plus que nous devions nous lever très tôt le lendemain, afin de faire cuire le pain.

Rabbi Israël pouvait donc rester. Il alla layer ses mains. Je lui tendis le morceau d'oignon afin qu'il en agrémente son pain; mais il déclina mon offre. - Je ne me nourris que de pain et de thé, me confia-t-il. Nous avions un réchaud a charbon, et je parvins non sans difficulté, a lui préparer un verre de thé. Comme je craignais que tout le monde ne fut pas encore endormi, je m'adressai a Rav Israël a voix basse, et lui dis: - Savez-vous ? C'est Hachem qui vous a envoyé jusqu'ici, afin que vous sauviez mon âme. Rav Israël fut très ému par ces paroles. Sans doute commençait-il à sentir qu'Hachem était derrière tout cela. Moi aussi, j'avais été profondément touche par la façon dont il avait prononce la bénédiction, après s'être lave les mains. Sans élever la voix, avec une grande douceur, comme un homme qui remercie son ami, pour la faveur qu'il vient de lui accorder. Percevant mon émotion, Rav Israël avait été encore plus trouble que moi.

Il vit clairement la main d'Hachem, dans le fait d'avoir été directement dirige vers ma maison. Aussi, me fut-il à partir de ce jour, dévoué corps et âme. Et bien qu'il eut de l'amour pour chaque juif, notre lien resta unique. La complicité et l' amour qui nous unissaient étaient tellement grands, qu'on ne peut même pas les imaginer.

Apres avoir fini de manger, il dit les bénédictions. Je lui demandai ensuite où il passerait la nuit. Il me répondit qu'il allait dormir dans une synagogue. Je décidai de l'accompagner et des que nous fumes dehors, j'éclatai en sanglots. Je lui demandai de me prendre en pitié, de ne pas m' abandonner; je me mis a tout lui raconter; comment j' avais trouve le livre "Hichtaprout hanefech", comment j'avais demande a Hachem, qu'il m'envoie quelqu'un qui puisse m' aider a me rapprocher de la hassidout Breslev.

- Et maintenant, lui dis-je, il semble qu'Hachem a exauce mes prières, puisqu'il a accompli ce miracle de vous faire venir jusqu'ici. Aussi, je vous demande d'avoir pitié de moi; de me prodiguer le remède qui pourra guérir mon âme. En entendant tout cela, Rav Israël fut encore plus ému. Je lui racontai tous les tourments de mon âme, et il m'écouta. Puis il se mit à parler à son tour, et chacune de ses paroles eut sur moi l'effet d'un baume très puissant. Il me parla de Rabbi Nah'man de Breslev, de ses livres, de sa lumière si puissante, faite pour guérir les plaies du coeur.

Nous cheminâmes ainsi, jusqu'a la synagogue des hassidims de Karlin; mais nous ne savions pas où se trouvaient les clés.

Nous continuâmes jusqu'a une autre synagogue, mais elle était également fermée. Il y en avait encore une, celle ou priaient les grands tsadikim ; Rav Mendel de Vitebsk (8) et Rav Avraham Kalisker(9). Cette synagogue était située en bordure du lac, et l'hiver, les eaux montaient et pénétraient à l'intérieur. Aussi, les tables qui s'y trouvaient, étaient-elles a moitie enfoncées dans l'eau, et une fois les livres retires, cette synagogue restait ouverte et abandonnée. Nous entrâmes tous deux à l'intérieur, avançant au milieu de l'eau et allâmes nous asseoir sur les tables. Rav Israël posa sur l'une d'elles ses livres, son talith et ses tefilin et il sortit de sa poche une bougie et des allumettes (il en avait toujours sur lui, bien qu'il fut très difficile de s'en procurer a I'époque). Il ouvrit ensuite un livre de Rabbi Nah'man le "Likoutey Moharan", a la leçon intitulée "ki mera'hamam yenahaguem" (septième leçon de la deuxième partie du livre). Bien que nous nous trouvions a moitie dans l'eau et la boue, et que Rav Israël eut une main malade, il semblait ne rien sentir de cela, et moi non plus, je ne sentais rien.

8 - Rabbi Mendel de Vitebsk 5490-5548 (1730-1788) Il fut l'un des plus grands disciples du Maguid de Mezeritch (le successeur du Baal Chem Tov). Lors de la première vague d'opposition au mouvement hassidique en 1772, il se rendit a deux reprises a Vilna ¬la deuxième fois accompagne de Rabbi Shneor Zalman - dans l'espoir de rencontrer le Gaon de Vilna (chef de file de l'opposition) afin de faire la paix entre hassidim et mitnagdim (opposants). Mais le Gaon refusa de les recevoir. En 1777, Rabbi Mendel monta en Erets Israël, à la tête d'un groupe de trois cents personnes. Les mitnagdim de Lithuanie ayant envoye des lettres aux habitants de Safed, on leur interdit de s'installer dans cette ville. Ils se fixèrent finalement a Tibériade, ou la première synagogue hassidique fut érigée. Lorsque Rabbi Nah'man commença son voyage vers Erets Israël, Rabbi Mendel lui apparut dans une vision et lui révéla le saint Nom Atah qui constitue une protection pour celui qui doit traverser la mer.

9 - Rabbi Avraham Katz de Kalisk (Kalisker) mort en 5570 (1810) Il fut d'abord un disciple du Gaon de Vilna, puis rencontra le Maguid de Mezeritch et devint son disciple. Apres la mort de Rabbi Dov Ber (le Maguid de Mezeritch) en 1772, Rabbi Avraham devint très proche de Rabbi Mendel de Vitebsk, et monta avec lui en Erets Israël. Apres la mort de Rabbi Mendel, il lui succéda comme leader de la communauté hassidique de Tibériade. Lors de son voyage en Erets Israël, Rabbi Nah'man lui rendit visite et une grande amitié naquit entre eux. Il déclara ensuite au sujet de Rabbi Avraham: J'ai rencontré beaucoup de tsadikim dans ma vie, mais la perfection je ne l'ai vue que chez ce saint homme".

Et nous restâmes ainsi, toute la nuit jusqu'a l'aube, assis à étudier cette "torah". Soudain, j'entendis la voix de ma mère en pleurs, criant "Où est mon fils ?". Je réalisai tout a coup, que j'avais du lui causer une immense frayeur. J'avais aussi oublie la pâte, qui se détériore si on ne la pétrit pas. Et a notre retour à la maison, quel désastre ! Toute la pâte surnageait, et avait en partie débordée; ce qui me valut d'être vivement réprimande par mes parents, qui me demandèrent: - Mais ou donc es-tu parti ? En fait, je n'étais pas vraiment coupable, car je n'avais pas senti la nuit passer. De plus, je n'avais aucun doute que Rav Israël fut bien l'un des trente-six Tsadikim caches, et la "torah" qu'il m'avait enseignée, était sublime, on ne peut s'imaginer a quel point.

Rav Israël resta dans la synagogue, et lorsque le jour commença a se lever, il partit prier a la synagogue des hassidims de Karlin, ou je pus le retrouver ensuite.

Tibériade était à l'époque un petit village, aussi tous les habitants avaient-ils entendu les cris de ma mère en larmes, a la recherche de son fils. Tout le monde avait été très effraye, et avait craint le pire. Au matin, chacun cherchait a savoir ce qui s'était passe. Alors le bruit se répandit, qu'un certain homme juif était arrive chez nous, alors qu'il faisait déjà nuit, et qu'il nous avait achète du pain, que je l'avais ensuite suivi et n'étais pas revenu, et qu'au matin, ma mère m'avait retrouve en compagnie de cet homme, dans la synagogue qui est inondée.

Ma mère ne savait rien concernant Rabbi Israël, mais les habitants de la ville, le connaissaient en tant que "hassid de Breslev" et lorsque je revins en ville, je les entendis chuchoter entre eux: cette nuit on a "converti" Israël Ber. C'est seulement alors que j'appris que Rabbi Israël était un hassid de Breslev. A partir de ce jour, nous ne nous quittâmes plus.

Je vis la Providence Divine, dans le fait qu'un trésor aussi précieux que Rabbi Israël vint ainsi se présenter un beau soir chez moi. Rabbi Israël, perçut lui aussi tout cela, comme une manifestation éclatante de la volonté d'Hachem; car il ne voulait pas quitter Meron, et voila qu'ici se pressentait a lui un jeune homme de dix-sept ans, a l'âme assoiffée de vérité.

"Même des torrents d'eau ne pourront éteindre l'amour" (10), ce verset s'applique bien a notre amitié. Je lui dis un jour, le monde entier essaierait-il de nous séparer, qu'il n'y parviendrait pas. Et nous étions constamment ensemble. Mais les gens commencèrent à voir cela d'un mauvais oeil. Ils vinrent me trouver et me tinrent des propos fielleux:

- Assurément, me dirent-ils, Rabbi Israël est un grand homme, mais c'est malheureusement un hassid de Breslev. Ils ne savaient pas que toute sa grandeur, il la devait justement a la hassidout Breslev , et que c'est grâce a elle qu'il avait pu atteindre un tel degré de sainteté. s'apercevant bien vite que leurs paroles n'auraient aucun effet sur moi, ils partirent voir mon père pour le mettre au courant de cette affaire. Il les écouta avec une grande attention: - Voici, lui dirent-ils, ton fils est en train de devenir un de ces hassidim de Breslev, qui s'en vont errer dans les montagnes. Tous les rabbins sont opposes a cette hassidout. Encore quelques temps, et il deviendra fou; mais tu peux encore le sauver. Apres, il sera trop tard. Ils lui demandèrent d'user de son influence sur moi, pour m'éloigner de la hassidout Breslev.

10- Cantique des Cantiques : 8; 7.

Mon père était certain que je l'écouterai, lorsqu'il me dirait d'abandonner la hassidout Breslev, car une grande tendresse existait entre nous. II me parla ainsi: - Bien que je sois moi-même un hassid de Karlin, tu peux quant a toi, choisir parmi toutes les autres hassidout celle que tu veux; mais arrête donc, je te prie, la hassidout Breslev.

J'avais pu constater pour ma part, de quelle façon miraculeuse Hachem avait dirige jusqu'a notre demeure, un invite si extraordinaire; j'avais déjà perçu l'intense lumière de cette hassidout, j'avais senti la puissance des remèdes et des bienfaits pour l'âme, qu'elle contenait, et son ineffable action sur moi; je ne pus que répondre:

- Papa, je ne peux pas t'ouvrir totalement mon coeur, mais je dois te faire savoir que sur ce point, tu ne pourras pas m'influencer.

Mon père reçut très mal la chose, car de ma vie je ne l'avais jamais contredit. Au contraire, en particulier parce qu'il était aveugle; je me conduisais à son égard avec le plus grand respect, veillant toujours à l'honorer. Mais je dus lui avouer que pour une fois, il m'était impossible de l'écouter. Constatant mon refus, il pensa: les autres ont donc raison. Et il commença à partir de ce moment à se renforcer dans son opposition, car la chose paraissait terrible à ses yeux. 11 essaya encore, à d'autres reprises, de me parler, afin de me faire entendre raison, mais cela n'eut aucun succès.

Je m'étais fiancé peu de temps avant tous ces événements, et mon père me déclara: - Je suis oblige de me mettre en guerre contre toi a cause de cette voie que tu as choisie. Saches que si je te renvoie de la maison, aucune femme ne voudra plus t'épouser.

Mais cela ne me fit pas peur. Ma mère, quant à elle, lui dit: - Ecoute, c'est notre fils et nous devons supporter tout cela; mais qu'adviendra-t-il si le père de la fiancée l'apprend? Car Tsfat et Tibériade sont très proches l'une de l'autre et certainement que toute cette histoire va circuler. Une vive discussion s'engagea à ce sujet dans ma famille, et le chabbat suivant, mon père se leva et me renvoya de la maison. Je partis m'installer dans une synagogue, qui se trouvait près de la maison que Rabbi Israël avait louée.

Mon père étant aveugle, il ne quittait presque pas la maison; lorsqu'un problème survenait, c'est ma mère qui allait consulter les autorités rabbiniques. Elle se rendit cette fois chez le Rav Mordechai Slonim qui eut toute sa vie beaucoup d'affection pour moi, car j'étudiais avec lui la Michna et le Zohar, et elle lui demanda conseil sur l'attitude à adopter à mon égard. Il lui dit que mon père avait raison, et que l'on devait utiliser tous les stratagèmes afin de m'éloigner de la hassidout Breslev, que celle-ci possédait un puissant pouvoir d'attraction, et qu'une fois qu' on s'y était adonné, il devenait impossible de s'y soustraire. Lorsque ma mère entendit cela, elle fut terrorisée. Rav Mordechai lui conseilla d'aller trouver Rav Israël Kardouner en personne, et de lui révéler toutes ses inquiétudes; de lui dire combien elle et son mari, étaient accable, afin qu'il ait pitié d'eux, et qu'il m'interdise l'accès de sa maison. En entrant chez Rav Israël Kardouner, ma mère était si désespérée qu'elle se laissa tomber devant lui, les mains tendues en signe d'imploration et se mit à pleurer amèrement. Elle lui raconta toute sa souffrance.

- vous êtes un juif pieux lui dit-elle, ayez donc pitié de nous, car il s'agit vraiment a pressent, de sauver ce garçon. Eloignez-le de chez vous, qu'il cesse d'étudier avec vous. Rav Israël l'écouta avec beaucoup de patience, mais il savait que le lien qui existait entre nous était si puissant, que rien au monde ne pourrait le rompre. Il lui répondit:
- Personnellement, je n'ai jamais chassé un juif de chez moi; si vous voulez bien, par contre, écouter le conseil d'un ami sincère, laissez-le donc tranquille, ne l'embetez pas, et abandonnez la cette affaire.

Entendant de telles paroles, ma mère se dit que le sortilège dont lui avait parle Rav Mordechai, avait sans doute commence de produire son effet, et sa douleur fut si insupportable qu'elle en exhala son âme.

Je me trouvais au même moment dans la synagogue attenante à la maison de Rav Israël, et j'entendis les gens attroupés qui criaient "Rivka est morte". Ils essayèrent de la faire revenir a elle, avec toutes sortes de potions et en la soulevant, mais en vain, et je les entendis dire:
- Avez-vous vu ce que lui a fait son fils ?! J'étais accablé, complètement brisé. Je commençai a me dire, sans doute ai-je commis un crime, en faisant ainsi souffrir mes parents, j'aurais du laisser cela un peu de cote pour le moment, j'aurais eu tout le temps ensuite, de devenir un hassid Breslev.

Finalement, après deux heures d'immobilité, ma mère commença a donner quelques légers signes de vie (11). En fait, cela relevait du domaine de la résurrection des morts, purement et simplement, car tout ce qu'on avait tente pour lui faire reprendre connaissance n'avait eu aucun effet. Et bien longtemps encore après cette affaire, ma mère continua de souffrir de douleurs indescriptibles dans tous ses membres.

Mais elle était vivante D... merci et je me dis, peut-être devrais-je renoncer a tout cela pour l'instant, car elle pourrait bien retomber de nouveau dans un tel état.

Peu après ces événements, l'Eternel me manifesta une fois de plus son extrême bienveillance. Je m'étais fiancé peu de temps avant d'avoir rencontre Rav Israël Kardouner; étant donné I' opposition farouche a l'égard de la hassidout Breslev, je n'aurai eu aucun espoir après m'être rapproché de cette hassidout, de trouver une épouse.

11 - La mère de Rabbi Israël Ber fut déclarée et reconnue morte. On s'apprêtait même à faire sa toilette mortuaire... Rabbi Israël Kardouner pria intensément pour qu'elle recouvre la vie. Rabbi Nah'man a fait la promesse de mener ses élèves sincères vers les niveaux spirituels les plus élevés. 11 semble que Rabbi Israël Kardouner avait déjà atteint le niveau de certains Tanaim (docteurs de la Michna), capables de faire revivre un mort.

Mais certaines personnes allèrent voir mon futur beau-père, et le mirent au courant de la chose. Il leur répondit, ne vous tracassez pas, après le mariage, sa femme réussira à l'éloigner de tout cela. Les présentations avaient eu lieu en hiver, et la date du mariage avait été fixée pour le mois d'Eloul (fin de l'été). Une grande famine sévissait alors, et mon beau-père qui était un homme droit et craignant D..., nous écrivit une lettre disant qu'il lui était impossible de respecter ses engagements; car il n'avait pas d'argent, ni pour le trousseau, ni pour la dot. Mais Rav Israël tenait absolument a ce que je me marie, afin de pouvoir recevoir en toute plénitude la sainteté des enseignements de Rabbi Nah'man. 11 multiplia son hitbodedout à ce sujet, et voyagea d'un endroit à l'autre, se démenant véritablement pour moi. Il remit une somme d'argent a mes parents, afin qu'ils puissent me vêtir, et me faire pénétrer sous la h'oupa (12) a la date fixée. Rav Israël partit ensuite voir sa famille à Tsfat. Quant a moi, j'écrivais a mon futur beau-père une lettre au nom de mes parents, lui disant qu'ils désiraient que le mariage soit célébré a la date déjà fixée, mais que de mon coté, je renonçais à la dot. Et D... merci, la date de mariage fut maintenue.

Rav Israël était reste à Tibériade tout l'hiver, et pratiquement jusqu'à Pessah. Il n'était pas retourné chez lui durant toute cette période, bien qu'il eut une famille de cinq enfants; car il voyait dans notre rencontre une manifestation de la Volonté Divine. De mon coté, je ne voulais absolument pas me séparer de lui. Au mois d'Eloul néanmoins, je devais me rendre au lieu fixe pour la cérémonie du mariage. Mais j'étais bien inquiet car je redoutais qu'après ce mariage, la possibilité ne me soit plus donnée de continuer à rencontrer ainsi Rav Israël. Déjà j'avais craint devant l'opposition qu'avait suscitée notre amitié, que nous fussions obligés de cesser de nous voir. Aussi, avais-je exprimé le désir qu'un serment fut prononcé entre nous. Un serment semblable a celui de Ruth et Noemie, qui jurèrent de ne pas se séparer quoi qu'il arrivât. Nous devions nous engager à être toujours l'un et l'autre ensemble au même endroit (ville, village...) et à nous y rencontrer pour converser, étudier et servir D... La chose devait rester secrète. Le jour de mon départ, je réitérai ma demande, et nous nous rendîmes sur la tombe de Rabbi Aquiba, ou nous avions alors l'habitude de prier avec une très grande ferveur, nous menant jusqu'aux larmes. C'est la que nous prêtâmes serment. Je pris ensuite la route pour Tsfat, et ma mère pensa que le lien avec Rav Israël allait finalement être rompu. Mais voici qu'au milieu du voyage, elle vit apparaître soudain Rav Israël avec sa famille, qui s' acheminaient aussi vers Tsfat (13).

12 - H'oupa: dais nuptial.

13 - Rav Israël Kardouner était resté tout l'hiver a Tibériade, auprès du jeune Israël Ber Odesser, afin de lui enseigner la voie de Rabbi Nah'man. A l'approche de Pessah, il rentra chez lui, à Tsfat. Aprés la fête, il retourna a Tibériade accompagné cette fois de sa famille. Le mariage du jeune Israël Ber ayant lieu a Tsfat, Rav Israël Kardouner s'y rendit, cette fois accompagné de sa famille (Note du traducteur).

Une nouvelle guerre m'attendait à Tsfat. La lutte s'engagea cette fois avec mon beau-père et toute ma belle-famille, ainsi qu'avec les notables et les abatteurs rituels de la ville. Et je fus tellement rabaissé! Même les voyous de la ville me lançaient des pierres, et des ordures, en me couvrant d'injures. Je n'étais pas loin de devenir fou. Mon beau-père fit alors pression sur ma femme Esther Mindel (bénie soit sa mémoire), afin qu'elle divorce de moi, mais elle répondit: "C'est mon lot et ce sera ainsi...". Et je vis en cela une manifestation supplémentaire de la bonté d'Hachem à mon égard. Nous fumes néanmoins obliges de chercher un endroit, ou il nous fut possible de vivre sans être dérangés. Or, voici que près de la maison de Rav Israël, il existait une petite chambre; Rav Israël la loua à notre intention. Il fut pour nous plus qu'un père et qu'une mère, allant jusqu'a se charger de tous nos besoins. Lui-même se contentait de miettes de pains, mais il veillait ace que nous ayons, quant a nous, tout ce qu'il put y avoir de meilleur. Et ces "années du serment" furent des années de "vraie vie" d'une intensité extraordinaire, jusqu'a ce que Rav Israel commença a me dire qu'il sentait que le moment de quitter ce monde approchait pour lui. Et il pressentait qu'une incroyable vague noire de perte de la foi, allait bientôt déferler sur la terre. Il me parla de la douleur qui affligeait son coeur, de l'immense souffrance qu'il ressentait a cause de cela. Quant à moi, je ne pouvais croire qu'il dut déjà quitter ce monde. Comment me disais-je, l'Etienne pourrait-Il faire cela, alors que notre service divin atteignait son plus haut niveau d'intensité.

Mais je dus peu à peu me résoudre à cette idée, car chaque fois qu'il ne se sentait pas bien, Rabbi Israël parlait de sa fin comme d'une chose imminente. Durant ces cinq années du "serment", nous fumes tant d'épreuves - il y avait alors la guerre et la famine - que je ne pus apprendre de lui autant que je l'aurais voulu. Mais le seul fait d'être en sa compagnie, constituait une très grande et très profonde leçon. Je pus ainsi être témoin de ce niveau extraordinaire de foi et de confiance en D..., auquel il était parvenu, et je pus apprécier ses qualités morales tellement précieuses. C'est la que mon âme a puise toute sa force et son énergie, c'est a cela que je dois d'avoir pu me rapprocher toujours plus, de notre saint maître Rabbi Nah'man de Breslev.

Lorsque les anglais entrèrent dans Tibériade, une épidémie mortelle y sévissait (D... nous préserve). La plus grande partie des enfants de Rav Israël, fut emporté par le fléau. Seul son dernier fils, age de douze ans fut épargné. Rav Israël accepta cette tragédie avec une force et une confiance en D... inébranlables. 11 mourut lui aussi peu après, non sans avoir prédit qu'il emportait avec lui l'épidémie, et que le fléau cesserait alors. Et les choses se passèrent ainsi.

Je me retrouvai complètement seul et désemparé. Au bout d'un certain temps, je partis pour Jérusalem, afin de recueillir auprès des vieux érudits Breslev qui y vivaient, et qui étaient des gens merveilleux, les enseignements de la hassidout Breslev.

C - Autres histoires hassidiques

Je pourrais raconter encore tant de choses sur Rav Israel: il vivait tout au long de la semaine dans le niveau de "kodech" "saint" et le Chabbat il atteignait le niveau de "kodech kodachim" "saint des saints". Il pouvait palper, si l'on peut s'exprimer ainsi, la saintete du Chabbat et avait une perception claire de sa fulgurante lumière. Et ses chants de Chabbat etaient sublimes, tout autant que ses danses. Nous passions toute la nuit du Chabbat à danser, c'était une chose unique. On ne trouve dans aucune autre hassidout quelque chose d'équivalent concernant l'importance accordée aux danses. J'ai vu aussi chez lui, un tel degré de foi et de confiance en D..., cela est tout simplement impossible a imaginer.

1 - Les tehilim de Rabbi Israël Kardouner

Un jour, nous étions a Meron, c'était l'hiver et il passa toute la journée debout près du tombeau de Rabbi Shimon Bar Yoh'al. Il se tenait d'un cote du "tsioun"(14), moi de l'autre, et nous récitions des "Tehilim"(15). C'était de la lave incandescente. Une telle crainte de D..., un tel élan et une telle douceur a la fois. Jamais plus, je n'ai retrouve quelque chose de semblable. La ferveur fit bientôt couler des larmes a mes yeux, mais peu a peu elles se calmèrent puis tarirent. Chez Rav Israël, elles allèrent par contre en s'intensifiant, si bien qu'elles finirent par inonder le tombeau qui se mit a ruisseler littéralement, comme si l'on eut répandu dessus des rasades d'eau. Tout cela je l'ai vu de mes propres yeux.

14 - Tsioun : mot que l'on trouve dans la bible (Rois II chapitre 23, verset 17) et qui désigne un monument qui marque l'emplacement d'un lieu, un tombeau, par exemple. 15 - Tehilim : cantiques et louanges a la gloire de D... composes pour la plupart par le Roi David (zal).

2 - Le Tikoun H' atsot de Rabbi Israël Kardouner

Une autre fois, alors que nous étions en route pour un certain village, une très forte tempête éclata soudain. Ce fut bientôt un véritable déluge. Il y avait de la boue partout et nous pataugions à la recherche d'un abri. Plusieurs heures passèrent ainsi, avant que nous discernâmes enfin une lumière au loin, vers laquelle nous nous dirigeâmes. Nous frappâmes à une porte. Lorsque le maître de maison vit notre état, il nous donna immédiatement des habits pour nous changer, et nous offrit du thé. Rav Israël se leva pour prier Maariv (prière du soir). Je me dis, sans doute ne pourra-t-il se lever cette nuit pour h'atsot(16), après tout ce qui nous est arrive aujourd'hui. Car bien que je fus moi-même un jeune homme, je ne pouvais pas bouger un seul de mes membres. On nous prépara des lits pour la nuit. Nous étions couches depuis peu, lorsque soudain Rav Israël se redressa comme un lion et se leva. Un Tikoun H' atsot de cette valeur, de ma vie je n'en ai plus revu. Il s'approcha ensuite de la table et alluma une bougie. Quant à moi, je me retournais dans mon lit et ne parvenais pas à trouver le repos. Je finis par me lever aussi et m'approchai en silence de la porte. Je considérai la table sur laquelle il s'était mis à étudier, elle paraissait animée, semblable à une machine puissante. Tout dans la pièce semblait ébranle, pris de secousses. Je fus alors saisi de honte, et hésitai à m'approcher de lui Finalement, je m'avançai et vis son visage qui rayonnait littéralement. Son apparence me rendit si confus que je dus m'éloigner.

16 - H'atsot : six heures après le début de la nuit et jusqu'a la fin de la huitième heure, c'est le moment de h'atsot. Se lever a cette heure pour regretter ses fautes et prier pour la reconstruction du temple de Jérusalem (ce sont nos fautes qui empêchent sa reconstruction) est d'une très haute valeur. Celui qui le fait ne serait-ce qu'une fois dans sa vie, acquiert une part dans la reconstruction de notre Saint Temple.

3 - La prière de Rabbi Israël Kardouner

Il pria vatiquin (17) comme a l'accoutumée et sa prière était d'une telle beauté, que les gens du village qui se rendaient a leur travail commencèrent a s'attarder près de la maison OU nous nous trouvions. Ils restèrent la, à l'écouter prier, avec une expression de saint respect sur leur visage. Je me trouvais dans la même pièce que lui, et je sentais que mon âme allait bientôt me quitter tant cela était délectable; tout particulièrement lorsqu'il arriva aux bénédictions du "Chema Israel". Il gémissait littéralement, à la façon d'un bébé dont les sanglots seraient restes trop longtemps sans réponse. A la fin de la prière, le maître de maison entra dans la chambre et s'approcha de lui, comme s'il eut été admis en présence d'un roi. 11 courut ensuite dresser la table avec toutes les meilleures choses, et lui demanda de venir prendre place. Les membres de sa famille, en particulier les femmes, s'empressèrent de couvrir leurs bras avec tout ce qui leur tombait sous la main; serviettes et autres choses du même genre, tant il leur inspirait crainte et respect. Au cours du repas, Rav Israël s' excusa auprès de son hôte, pour n'avoir de toutes les nourritures disposées devant lui, consomme que du pain et du thé. - Non pas, précisa-t-il, que j'ai quelque crainte concernant le Cachrout, D... préserve, mais parce que c'est devenu chez moi une habitude de me nourrir ainsi.

17 - Vatiquin : prier vatiquin consiste a commencer la prière du matin assez tôt pour que la lecture du Chemoneh Esre coïncide avec le lever du soleil (Nets hah'amah).

4 - La jeunesse de Rabbi Israël Kardouner

Dans sa jeunesse, Rav Israël était très aime par tous les habitants de sa ville. Son père était un important homme d'affaires, et c'est Rav Israël qui dirigeait son commerce. C'était en effet quelqu'un qui en imposait. Néanmoins, il me raconta que son coeur ne brûlait alors, que d'un unique désir, celui de se rapprocher de la véritable crainte de D... Des qu'il en avait la possibilité, il entrait furtivement dans l'entrepôt du magasin, et entre les caisses et les barils de marchandises, il se mettait a prier Hachem du plus profond de son coeur. Il le suppliait de l'aider à devenir un "authentique juif", un homme véritablement "cacher". Et toutes les familles de sa ville, le désiraient pour gendre.

Ainsi, bien avant même d' avoir découvert l'enseignement de Rabbi Nah'man, Rav Israël faisait déjà "hitbodedout", demandant sans cesse protection et pitié, ainsi que le mérite d' avoir constamment sur lui la crainte de D... Et un beau jour, alors qu'il passait en revue des rangées de livres, son regard fut soudain attire par un certain ouvrage. En fait, il ne sut pas immédiatement qui l'avait écrit, ce n'est que quelques temps après qu'il apprit que ce livre était de Rabbi Nah'man de Breslev. Il devint alors un hassid de Breslev. Son père lui demanda de se tenir à l'écart de tout ceci, mais en vain. Il finit pas le déshériter. Rav Israël partit alors pour Ouman, ou il resta de nombreuses années; c'est la d'ailleurs qu'il se maria. Son père revint par la suite sur sa décision, et abandonna toute opposition à son égard.

Rav Israël avait de nombreux noms et surnoms. Son nom de famille était Halperin et on l' appelait aussi Kardouner(18), d' après le nom de la ville dont il était originaire. A Jérusalem, Tsfat et Tibériade, on le surnommait Rabbi Israël Breslever et sur sa pierre tombale (19) fut gravée l'inscription suivante que l'on peut voir encore aujourd'hui: "ici repose Rabbi Israël Breslever, fils de Rabbi Yehouda Halevy".

18 - Kardoun est une petite ville clans les Alpes italiennes.

5 - Le prosélyte

Je voudrais raconter aussi l'histoire d'un prosélyte qui eut le mérite de se rapprocher de lui. A Tibériade vivait un homme qui s'était converti au judaïsme, il était originaire de Russie. C'était un grand Tsadik, il était constamment plonge dans son livre de prières, et son visage était illumine par la crainte de D... Il était très corpulent, et sa face ressemblait a celle d'un lion. 11 dormait chaque jour dans une famille différente, car une très grande famine sévissait à l'époque, et personne ne pouvait l'héberger pour une longue période. Chacun n'avait déjà pour lui même, qu'un bout de pain pour tout repas. Qui pouvait donc en ces temps redoutables, se permettre d'avoir des invites. Et pourtant Rav Israël continuait de pratiquer l'hospitalité d'une façon incroyable. Il alla même jusqu'a réserver dans sa maison une chambre pour cet homme !

Ce pauvre, invite, n'avait même pas les moyens de changer d'habits, aussi se dégageait-il de lui une terrible odeur de transpiration. Sa redingote était devenue aussi épaisse que du cuir, et personne ne pouvait s'approcher de lui. Lorsqu' arriva la veille de Pessah, Rav Israël alla chez un tailleur, et lui acheta des vêtements neufs. Notre homme se lava, s'habilla de neuf et fut l'invite de Rav Israël pendant toute la fête de Pessah.

19 - Rabbi Israël Kardouner est enterre dans le vieux cimetière de Tibériade, en surplomb du lac. Une tombe simple, presque anonyme. Mais le gardien du cimetière renseignera sur son emplacement ceux qui voudront se recueillir sur le tombeau d'un des 36 Tsadikim caches, disciple de Rabbi Nah'man de Breslev.

La nuit du Seder, je lus avec zèle la haggada et me rendis ensuite chez Rav Israël. Il y avait devant chez lui tout un attroupement, et de l'intérieur de sa maison s'échappaient des bruits de danses et d'effusions de joie, ainsi qu'une grande lumière. En effet, débordant de reconnaissance envers D... qui dans sa bonté infinie l'avait place sous les ailes de la Cheh'ina, qui l'avait en plus rapproche de Rav Israël, et ce soir lui avait permis de goûter a la douceur, a la tendresse de la mitsva du Seder; son invite le prosélyte, s'était soudain levé et s'était mis a danser, en faisant d'immenses bonds de joie. Etant donne sa corpulence, toute la maison semblait secouée. Lorsque je m'approchai de la porte, j'eus soudain honte d'entrer, car la "Cheh'ina"(20) avait littéralement empli la pièce. Finalement, je pus pénétrer et me joignis a eux. Et nos danses se poursuivirent jusqu'au lever du jour.

20 - Cheh'ina : Présence Divine.

6 - Un rêve de Rabbi Israël Odesser

Apres la mort de Rav Israël, il m'arriva une certaine nuit a mon retour du mikve, a l'heure de H' atsot, de m'assoupir devant mon livre. Et je fis le rêve suivant: j'étais dans la mer, et celle-ci était démontée. J'étais déjà sur de me noyer, lorsque soudain se dessina au milieu des £lots, la forme d'une sorte d'habitat. J'eus alors un léger espoir, peut-être parviendrais-je à pénétrer à l'intérieur. Je réussis à trouver l'entrée, et me mis à gravir les escaliers de toutes mes forces. J'étais extrêmement heureux d'avoir été ainsi épargne de la noyade. Je me retrouvai dans une sorte de long vestibule, avec de nombreuses portes. Je les dépassai toutes, et parvins devant la dernière d'entre elles. J'ouvris cette porte et vis un vieil homme sur une chaise. Un autre homme se trouvait la avec lui, qui faisait des allées et venues dans la pièce. Lorsque j'entrai, le vieil homme me souhaita "Chalom aleh'em", et ces mots furent prononces avec une telle tendresse, sur un ton d'une telle douceur, que cela me fit bientôt me réveiller.

Je restai perplexe, quel pouvait bien être le sens de ce rêve? Je n'arrivai à lui trouver aucune explication. Je demandai alors de l'aide à Hachem, je pris ensuite un des livres qui étaient poses sur la table. C'était le "H' aye Moharan" sur la vie de Rabbi Nah'man. Je l'ouvris au hasard et tombai sur le passage suivant: "A voir le mérite de revers de lui (Rabbi Nah'man) était a ses yeux une grande chose, même si la chose se produisait alors qu'il était encore dans ce monde. Et il déclara que certains de Ses disciples l'avaient vu en rêve, sous l'apparence d'un homme très âgé (21)..." (H'aye Moharan 2e partie au chapitre intitule Avodat Hachem (service de D...), paragraphe n° 54).

7 - Un attachement contrarié

Je voudrais raconter a présent un autre événement, qui lui se déroula a l'époque ou mon maître Rav Israël Kardouner, était encore en vie. Il y avait à Tibériade un autre converti, qui était un éminent érudit, rempli de crainte de D... Il avait été l'élevé du H'afets Haim zal, et chaque mois, il étudiait entièrement le "Rechit H'oh'ma", bien que l'ouvrage soit aussi vaste que profond. Il s'enfermait dans sa chambre et étudiait en rugissant comme un lion. A la fin de chaque mois, il faisait un sioum (22) pour le "Rechit H'oh'ma".

21 - Il y a deux autres passages du H'aye Moharan (ce livre a été traduit en français et édité sous le titre "Tsaddik") ou ce thème réapparaît : . paragraphe 272 : "Il dec1ara une fois en parlant de lui-même, "Je suis le plus vieux des vieillards". Et en lisant le conte des "sept mendiants" - particulièrement le passage concernant le premier mendiant qui était aveugle et auquel le "Grand Aigle" dit, tu es très vieux et en même temps tu es un nourrisson, et tu n'as pas commencé de vivre (bien qu'il fut pourtant plus age que tous les autres vieillards) - si on comprend ne serait-ce qu'un peu, ce que cela veut dire, et la signification des autres passages de ce conte, on aura alors commencé a percevoir la grandeur de Rabbi Nah'man. Benie soit sa mémoire". paragraphe 289 : "J'ai entendu de ses saintes lèvres la chose suivante : "Je suis une jarre neuve remplie de vin vieux" et dans un de ses saints manuscrits on peut lire la chose suivante : "Je suis le Saint vieillard qui révèle des choses que "l' Ancien des Jours" a caché". (il est a noter que Rabbi Nah'man a quitte ce monde a l'age de 38 ans !).

Etant donne qu'avant d'avoir eu le mérite de rencontrer Rav Israël, j'étais constamment à la recherche de quelqu'un qui pourrait m'aider à guérir mon âme, nous nous étions lies d'amitié. J'allais chez lui et nous étudiions ensemble. 11 s'appelait Rav Tsvi Rosenthal. Lorsqu'il fut par la suite témoin de l'opposition qui se souleva a l'encontre de la hassidout Breslev, qu'il vit l'âpreté de mes luttes et les souffrances que je dus endurer, le désir de se rapprocher de cette hassidout s'éveilla en lui. Il eut alors très envie de très Rav Israël zal. En entrant chez lui un jour, je lui dis: - Puisque tu veux véritablement goûter à la hassidout, je peux aujourd'hui même te faire rencontrer une lumière qui n'a pas son pareil. Et je lui fis une fois de plus les louanges de Rav Israël. Rav Tsvi Rosenthal avait coutume d'aller tous les chabbats soirs chez les hassidim(23), pour en entendre des récits sur les grands maîtres hassidiques. Je me rendais pour ma part, au vu et au su de tout le monde chez Rav Israël Kardouner, et lui prit l'habitude d'y aller aussi, mais en cachette. Chez lui, il disait qu'il se rendait chez les hassidim, mais en fait il allait chez Rav Israël. Lorsque plusieurs chabbats de suite ils ne le virent pas, les hassidim commencèrent à se demander où il était passé.

22 - Sioum : petite cérémonie en l'honneur de la conclusion d'une étude sacrée, (un traite du Talmud ou tout autre ouvrage saint), comprenant l'expose de la fin de l'ouvrage et suivie d'un repas (Seoudat Mitsva). 23 - Hassidim : la population juive hassidique de Tibériade était composée en majorité de hassidim de Karlin et de Slonim.

Ils le suivirent et découvrirent où il se rendait. Ils se mirent alors a craindre que toute la jeunesse n'aille se tiers avec Rav Israël. Ils firent tout ce qui était en leur pouvoir afin de l'écarter de cela. Ils se mirent a surveiller ses allées et venues, et bientôt il ne lui fut plus possible de se rendre chez Rav Israël. Mais son coeur brûlait a pressent d'un feu sacre. Il décida de partir à Jérusalem et de se joindre là-bas aux hassidims de Breslev. Il me révéla son projet secret. Son extrême pauvreté ne lui permettait même pas de payer son voyage, mais il était doté d'une force étonnante, et c'est a pied qu'il se mit en route pour Jerusalem !

Lorsque le beau-père de Rav Tsvi Rosenthal apprit que son gendre avait disparu, il se rendit chez le Mouktar (24) et se plaignit a lui de son gendre qui avait abandonne femme et enfants et était parti on ne sait ou. Il ajouta: - Il faut arrêter Israël Ber, qui doit sûrement savoir ou est mon gendre. Rav Israël avait la nationalité autrichienne et il existait une loi interdisant d'appréhender un ressortissant autrichien lorsqu'il est à l'intérieur de sa maison. Cela devenait possible uniquement s'il se trouvait dans la rue. Pour ma part, j'avais la nationalité turque, ils se saisirent de moi et me mirent en prison. Puis ils se rendirent chez Rav Israël et commencèrent à jeter des pierres sur les vitres de sa maison. Ce fut un véritable saccage ! Lui était en train de prier avec une voix a fendre les deux, et il continua comme si de rien n'était.

24 - Mouktar : chef du village. Sa fonction est celle de maire et de chef des forces de l'ordre.

Des qu'ils entendirent sa voix, les autres furent pris de remords. Et le Mouktar qui était venu accompagne d'un gendarme, décida d'attendre que Rav Israël ait termine sa prière; il le sommerait alors de sortir, une fois dehors, il l'arrêterait. Tous ceux qui priaient dans les synagogues alentour, furent témoins des leur sortie des offices, de tout ce tumulte indescriptible et voulurent savoir ce qui s'était passe. Il y avait la entre autres un pharmacien, et deux autres hommes, qui passaient déjà a l'époque pour des juifs modernisants, mais des qu'ils entendirent la voix de Rav Israël en prière, ils furent si émus, qu'ils demandèrent au Mouktar de ne pas l'arrêter. Ils entrèrent ensuite chez lui afin de lui parler, et avant qu'ils ne l'aient quitte, une amitié durable était déjà née entre eux.

Quant à moi, j'étais toujours en prison. L'inspecteur de police entra dans ma cellule, on m' attacha et des policiers se tinrent debout près de moi. Ils m'interrogèrent afin de savoir ou se trouvait Rav Tsvi Rosenthal. Je leur répondis qu'il était en route pour Jérusalem. Ils partirent immédiatement à sa poursuite, et le retrouvèrent près d'Afoula. Ils lui dirent que Rav Israël et moi-même étions en prison, et qu'il était par conséquent oblige de rebrousser chemin. Apres la sortie du chabbat, ils le ramenèrent avec eux; c'est seulement alors qu'on me libera de prison.

Le lendemain, au cours d'une assemblée réunissant tous les grands rabbanim (avec a leur tête Rav Moshé Kliherch zal) une lettre fut rédige. Selon ses termes, Rav Tsvi était tenu de ne plus jamais approcher ni Rav Israël Kardouner, ni Israël Ber Odesser. Et Rav Tsvi prêta serment. Il vint ensuite à la Yeshiva, et me dit qu'il avait à me faire part de quelque chose de grave. Il me raconta toute l'affaire, et je fus très attriste d'apprendre qu'il n'avait pas su faire preuve de plus de courage et de détermination. Je retournai en ville, et racontai toute l'histoire à Rav Israël; lorsque je terminai, il eut un très profond soupir.

Quelques jours passèrent et l'on entendit que Rav Tsvi s'était soudain mis à souffrir d'une très grande détresse respiratoire, et que les médecins jugeaient son état critique. Des groupes de jeunes enfants furent conduits sur la tombe du Rambam, (Malmonide) afin qu'ils prient pour la guérison de Rav Tsvi. Rav Israël et moi-même, nous y rendîmes également. La femme de Rav Tsvi était la, elle aussi. Soudain Rav Israël me dit: - Cours vite a la maison de Rav Tsvi, et dis a la famille qu'il faut immédiatement déchirer la lettre [signée de Rav Tsvi, l'engageant a abandonner la Hassidout Breslev].

Je partis aussitôt, me dépêchant autant que je le pouvais. En arrivant chez Rav Tsvi, je trouvai tous les membres de sa famille assembles. Il y avait parmi eux un homme extrêmement age, qui s'appelait Rav Kehat et bien qu'il appartint au même groupe hassidique que les autres, lorsqu'il entendit que ma requête émanait de Rav Israël, il se tourna vers le beau-père de Rav Tsvi et lui dit:

- Ecoute donc ce qu'il te demande, déchire la lettre. Mais ce dernier refusa catégoriquement.

La nuit suivante, je fis ce rêve: j'étais au marché et Rav Tsvi s'y trouvait aussi, et il se mit a me parler. Mais je lui dis: - Que fais-tu la, ne t'ont-ils pas interdit de me rencontrer ?

Il répondit: - J'ai décidé de transgresser mon serment, rien ne pourra plus nous séparer désormais. Je me réveillai en sursaut, et entendis des voix qui disaient: Rav Tsvi est mort... Rav Tsvi s'était effectivement éteint (25).

Puisse l'Eternel béni soit-Il me prendre en pitié et m'accorder le mérite de pouvoir contempler un jour Sa Gloire, puisse-t-Il me permettre de m'approcher et de saisir un peu de cette lumière sublime qui traverse l'univers. Puisse-je avoir le bonheur d'assister a la venue de notre juste Machiah', puisse cela survenir aujourd'hui même. Amen

25 - Sur l'attachement au Tsakik, lire le conte de Rabbi Nahman ("Les Contes") : "un Rav et son fils unique", ou il décrit les conséquences de l'attachement d'une âme au Tsadik authentique. Par ce rapprochement, comparable au rapprochement du Grand et Petit Luminaire - au sens simple le soleil et la lune - on provoque une grande unification (Yehoud) qui hâte la venue du Machiah'.
C'est pourquoi les forces du Mal sont si véhémentes lorsqu'il s'agit de détacher une âme de sa source, celle du Tsadik fondement du monde, et c'est pourquoi aussi la récompense est si grande, pour celui qui a le mérite de s'attacher directement a la racine de son âme, qui est le Tsadik véritable, Rabbi Nah'man de Breslev.

Il est écrit dans le Sefer Hamidot au chapitre "Tsadik" ligne 151: "la venue du Machiah' dépend de l'attachement aux tsadikim". Et a la ligne 152 du même chapitre: "La plénitude de l'âme dépend de l'attachement aux tsadikim". Béni soit D... pour l'Eternité. Amen et Amen.

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